Page 28 -
P. 28
L'illusoire contrôle de la masse monétaire
Une seconde critique porte sur la politique préconisée pour lutter contre
l’inflation : la maîtrise de la masse monétaire est difficile et imprécise or une
politique trop restrictive est dangereuse.
Tout d’abord la masse de monnaie à prendre en compte n’est pas la
masse monétaire totale. La monnaie dont les ménages ou les entreprises
disposent est pour une part destinée à effectuer des transactions (des achats),
mais la monnaie peut aussi être détenue à titre de précaution; ainsi, un particulier
pourra conserver chez lui 1 000 francs, ou plus, en billets, parce qu’il pourrait en
avoir besoin en cas de maladie... La part de la masse monétaire détenue à titre de
précaution ne peut pas exercer d’action sur le niveau des prix puisqu’elle n’est
pas utilisée à court terme pour effectuer des achats. Il en va de même pour ce
que Keynes appelle la monnaie détenue pour des motifs de spéculation, c’est-à-
dire la monnaie destinée à être placée (par exemple dans des souscriptions
d’emprunt...), puisque cette monnaie ne sert pas non plus à effectuer des
transactions. Comme les quantités de monnaie détenues pour des motifs de
précaution ou de spéculation ne représentent pas un pourcentage fixe de la
quantité de monnaie totale, en agissant sur la masse monétaire on ne contrôle
pas véritablement le niveau de la demande qui est fonction du seul niveau de
monnaie de transaction.
Par ailleurs les banques commerciales ont une certaine autonomie dans
la création de monnaie scripturale, elles sont seulement encadrées par l’État, ce
qui rend également très difficile le contrôle de la masse monétaire.
4.4. Les monétaristes actuels
Les monétaristes actuels ne nient généralement pas l’existence d’un
effet quantité à court terme. Mais ils estiment qu’en même temps, l’inflation se
développe à plus ou moins longue échéance. Celle-ci provoque des
comportements d’adaptation des agents économiques qui vont rendre nécessaire
un accroissement de plus en plus grand des quantités de monnaie en circulation,
ce qui va auto-entretenir l’inflation. Le niveau d’inflation nécessaire au maintien
de l’activité deviendra progressivement intolérable.
Ainsi dans l’analyse de M. Friedman, l’entreprise (ou le ménage)
« s’adapte » au niveau d’inflation. Si les prix ont augmenté de 5 % l’année
dernière, l’entreprise prévoit pour l’année en cours une augmentation de 5 % des
prix et n’augmentera sa production que si la demande augmente de plus de 5 %.
Pour maintenir la croissance de la production, une augmentation de la masse
monétaire plus forte que celle de l’année précédente sera nécessaire. Il en ré-
sultera une inflation supérieure à 5 %. La spirale inflationniste est déclenchée...
Celle-ci ne peut être évitée que par une politique monétaire qui limite
26