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L'illusoire contrôle de la masse monétaire

                            Une seconde critique porte sur la politique préconisée pour lutter contre
                  l’inflation : la maîtrise de la masse monétaire est difficile et imprécise or une
                  politique trop restrictive est dangereuse.
                            Tout  d’abord  la  masse  de  monnaie  à  prendre  en  compte  n’est  pas  la
                  masse  monétaire  totale.  La  monnaie  dont  les  ménages  ou  les  entreprises
                  disposent  est  pour  une  part  destinée  à  effectuer  des  transactions  (des  achats),
                  mais la monnaie peut aussi être détenue à titre de précaution; ainsi, un particulier
                  pourra conserver chez lui 1 000 francs, ou plus, en billets, parce qu’il pourrait en
                  avoir besoin en cas de maladie... La part de la masse monétaire détenue à titre de
                  précaution ne peut pas exercer d’action sur le niveau des prix puisqu’elle n’est
                  pas utilisée à court terme pour effectuer des achats. Il en va de même pour ce
                  que Keynes appelle la monnaie détenue pour des motifs de spéculation, c’est-à-
                  dire  la  monnaie  destinée  à  être  placée  (par  exemple  dans  des  souscriptions
                  d’emprunt...),  puisque  cette  monnaie  ne  sert  pas  non  plus  à  effectuer  des
                  transactions.  Comme  les  quantités  de  monnaie  détenues  pour  des  motifs  de
                  précaution  ou  de  spéculation  ne  représentent  pas  un  pourcentage  fixe  de  la
                  quantité de monnaie totale, en agissant sur la masse monétaire on ne contrôle
                  pas véritablement le niveau de la demande qui est fonction du seul niveau de
                  monnaie de transaction.
                            Par ailleurs les banques commerciales ont une certaine autonomie dans
                  la création de monnaie scripturale, elles sont seulement encadrées par l’État, ce
                  qui rend également très difficile le contrôle de la masse monétaire.


                            4.4. Les monétaristes actuels

                            Les  monétaristes  actuels  ne  nient  généralement  pas  l’existence  d’un
                  effet quantité à court terme. Mais ils estiment qu’en même temps, l’inflation se
                  développe  à  plus  ou  moins  longue  échéance.  Celle-ci  provoque  des
                  comportements d’adaptation des agents économiques qui vont rendre nécessaire
                  un accroissement de plus en plus grand des quantités de monnaie en circulation,
                  ce qui va auto-entretenir l’inflation. Le niveau d’inflation nécessaire au maintien
                  de l’activité deviendra progressivement intolérable.
                            Ainsi  dans  l’analyse  de  M.  Friedman,  l’entreprise  (ou  le  ménage)
                  « s’adapte »  au  niveau  d’inflation.  Si  les  prix  ont  augmenté  de  5  %  l’année
                  dernière, l’entreprise prévoit pour l’année en cours une augmentation de 5 % des
                  prix et n’augmentera sa production que si la demande augmente de plus de 5 %.
                  Pour  maintenir  la  croissance  de  la  production,  une  augmentation  de  la  masse
                  monétaire plus forte que celle de l’année précédente sera nécessaire. Il en ré-
                  sultera une inflation supérieure à 5 %. La spirale inflationniste est déclenchée...
                  Celle-ci ne peut être évitée que par une politique monétaire qui limite

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